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Quel marché de l’électricité en 2050?

Ecrit par Alexis Gléron, juin 2025

 

Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu'elles concernent l'avenir, dit-on à raison. Mais la prospective est amusante, qu’on la lise pour se divertir — comme une nouvelle de science-fiction — ou plus sérieusement comme un guide ou un scénario de ce que pourrait être le futur.

On a tendance à beaucoup s’intéresser à l’évolution des technologies de production et à leur place relative dans le mix énergétique. On s’intéresse aussi beaucoup au niveau de la demande, mais assez peu à la façon dont ces évolutions affectent les marchés de gros ou, plus globalement, le comportement des acteurs du secteur. Voici une synthèse de mes réflexions sur la question.

1. Petits rappels : les méga-tendances technologiques

Production

La baisse des coûts du solaire et des batteries transforme radicalement l’économie du secteur de l’électricité. Si cette tendance se poursuit jusqu’en 2050, le fameux "too cheap to meter" pourrait enfin devenir une réalité. Ce qui devient essentiel, ce n’est plus le coût de production, mais le coût d’accès à l’électricité au bon moment et au bon endroit. Le problème global de l’approvisionnement en électricité n’est plus une question de minimisation des coûts, mais un problème d’arbitrage temporel et spatial.

Consommation

La demande d’électricité croît fortement (je sais, c’est difficile à croire vu les déboires actuels en France, mais c’est une situation transitoire), tirée par plusieurs tendances de fond :

  • L’électrification des transports (voitures, camions, bus, certains bateaux) ;

  • Le rôle prépondérant dans la production de chaleur (résidentielle, tertiaire et industrielle) ;

  • L’essor de la robotique dans l’industrie et les services ;

  • La croissance exponentielle des data centers et de la consommation numérique.

L’électricité est en passe de remplacer toutes les autres formes d’énergie (pétrole, gaz, charbon) dans de nombreux usages. Elle détrônera le pétrole et deviendra le monarque absolu de toutes les commodités.

Infrastructures et mobilité

L’émergence des véhicules autonomes va profondément transformer nos modes de déplacement, et par extension, notre consommation énergétique.
De même, la robotisation et l’automatisation des chantiers et infrastructures vont modifier la manière dont nous construisons, entretenons et déployons les systèmes énergétiques.

2. Mégatendances des marchés de gros de l’électricité

Un marché de plus en plus financiarisé

Depuis la crise énergétique, les prix à terme sont de plus en plus corrélés aux événements géopolitiques (Russie, Trump, etc.) et donc, de fait, aux marchés financiers.

Les marchés de court terme (day-ahead et intraday) restent encore principalement gouvernés par les fondamentaux (coût marginal de production, météo, etc.). Le prix day-ahead reflète toujours le merit-order de la production, et comme il sert de référence aux contrats à terme, ceux-ci tendent à reconverger vers les fondamentaux. Mais cette ancre risque de disparaître.

Dans un système dominé par des moyens de production à coût marginal nul (EnR), le prix marginal sera fréquemment fixé par les batteries ou par la flexibilité de la demande.
En effet, quand la production renouvelable est inférieure à la demande, ce sont les batteries qui fixent le prix. Le prix marginal correspond alors au coût d’opportunité des batteries à ce pas de temps : c’est le coût de décharger maintenant plutôt qu’à un autre moment.
Par exemple, si une batterie qui décharge maintenant aurait pu gagner 100 euros en déchargeant plus tard, son coût d’opportunité est de 100 euros.
Les prix day-ahead seront donc déterminés par les anticipations… des prix day-ahead eux-mêmes. On entre dans une logique circulaire.

La fixation des prix quitte le domaine des fondamentaux physiques pour entrer dans celui de la théorie des jeux, car les acteurs cherchent à anticiper la stratégie des autres pour élaborer leur propre stratégie d’offre.

La fin des blocs "base" et "peak"

Les contrats à terme traditionnels sont basés sur la livraison de blocs « base » (toutes les heures de la journée) ou « peak » (de 8h à 20h en semaine), sur des périodes longues (calendaires, trimestrielles ou mensuelles).

 

Cependant, ces contrats ne permettent plus de sécuriser efficacement les marges. Phénomène déjà observable : les centrales thermiques (gaz notamment) utilisaient les contrats « peak » pour couvrir leur production, car ils correspondaient à leurs périodes de fonctionnement.

Avec l’essor du solaire et la chute des prix en milieu de journée, ce n’est plus le cas pendant plus de la moitié de l’année (grosso modo de mars à octobre). Les prix peak deviennent inférieurs aux prix base, les centrales gaz ne tournent plus que lors des pointes du matin et du soir, et l’intérêt de ces contrats comme couverture diminue.

Pour les producteurs solaires, les contrats peak ne sont pas non plus très intéressants : le solaire produit aussi le week-end et pas forcément aux moments clés de la plage 8h–20h.

Si cette tendance se prolonge sur plusieurs décennies, l’intérêt des blocs s’estompe complètement. Les producteurs ne peuvent pas s’en couvrir efficacement, et il en va de même pour les batteries et les consommateurs flexibles.

 

C’est toute la courbe de prix qui doit pouvoir être couverte, jusqu’à la granularité du quart d’heure. Cela nécessite des innovations du côté des plateformes de marché.


Il est aussi probable que les contrats de couverture reposeront de plus en plus sur des options, adossées à des actifs flexibles (comme les batteries), permettant leur financement à long terme. Ce sont ces produits — options sur spread intra-journalier ou sur les différences entre day-ahead et prix des écarts — qui permettront demain de financer plusieurs dizaines de GW de capacités de flexibilité, bien plus efficacement que les mécanismes de capacité ou de réserve.

3. Un système électrique… sur roues

Une part croissante de la consommation sera mobile : véhicules électriques, mobilité autonome, etc.
Mais aussi une part croissante de la production et du stockage :

  • Les batteries "stationnaires" sont en réalité souvent conteneurisées, donc déplaçables ;

  • Des data centers en containers émergent (notamment dans le minage de crypto) ;

  • Les camions autonomes permettront de déplacer à faible coût des infrastructures entières.

Ce basculement remet en cause la notion traditionnelle de gestion de la pointe : la capacité de production existe — ou peut être déplacée — au bon endroit rapidement en cas d’augmentation ponctuelle de la consommation.
Mais c’est la capacité de connexion au réseau local qui devient critique. Il faut pouvoir accéder à des points du réseau non-utilisés.

Imaginez des data centers qui migrent dans le Sud de la France l’été pour profiter des prix bas et de la production renouvelable abondante, puis sont remplacés l’hiver par des batteries ou des moyens de production de pointe afin de faire face à un hiver rigoureux et à des tensions sur l’équilibre offre-demande.

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