La nouvelle dynamique du
prix des écarts
Ecrit par Amélie Janin et Alexis Gléron, juin 2024
Ce n’est pas le prix de l'électricité le plus connu ni le plus sympa, mais ses dynamiques sont très intéressantes en ce moment, donc il mérite bien un article (en plus, il a une place particulière dans notre cœur de responsables d'équilibre).
Oui, cet article va parler du prix des écarts et de ses bouleversements actuels.
Comment le prix des écarts est calculé au juste ?
Le prix des écarts sert d’incitation financière aux responsables d’équilibre (RE) à être équilibrés ou à équilibrer le système.
Qu'est-ce que cela signifie pour un responsable d'équilibre d'être en équilibre ? Concrètement, il faut que les injections soient égales aux soutirages dans son périmètre ; si ce n’est pas le cas, il est en écart.
Avant de comprendre comment est calculé le prix des écarts, attardons-nous un moment pour comprendre comment est calculé le volume d’écart d’un RE.
Ce petit schéma montre les différents éléments utilisés pour le calcul du volume d’écart.
Source : RTE
Vous avez tout compris ? Vous êtes incollable sur les soutirages et les injections ? Passons maintenant au prix des écarts.
Le calcul du prix des écarts dépend de la tendance d’équilibrage du système, du signe de l’écart du responsable d’équilibre, ainsi que du prix moyen pondéré des activations (PMP) et de la valeur applicable du coefficient « k ».
Source : RTE
Afin de bien comprendre les différents cas de figure, prenons chaque variable une par une.
ÉQUILIBRE = INJECTIONS - SOUTIRAGES = 0
-
La tendance d’équilibrage du système
Comme pour les écarts du responsable d’équilibre, deux possibilités :
-
Le déséquilibre du système électrique est positif, on dit que la tendance est à la baisse.
-
Le déséquilibre du système électrique est négatif ou nul, on dit que la tendance est à la hausse.
-
Le Prix Moyen Pondéré (PMP)
Le PMP est le prix moyen pondéré des différentes énergies qui vont servir à satisfaire le besoin de RTE pour atteindre l’équilibre du système, c’est-à-dire les énergies activées en France, à l’étranger, et des différentes réserves (RR, mFRR, aFRR). Le PMP peut être à la hausse (corrige un déséquilibre négatif) ou à la baisse (corrige un déséquilibre positif).
-
La valeur du coefficient k
Depuis le 1er janvier 2023, le coefficient k est fixé ex-ante : RTE le fixe en M-3 pour M. Le coefficient k pénalise l’écart et incite donc le RE à être en équilibre.
Source : RTE
-
L' écart du responsable d'équilibre (RE)
Le volume d’écart du portefeuille du RE : ici, nous nous préoccupons uniquement de la différence entre les injections et les soutirages présents dans le périmètre d’équilibre.
Une gymnastique mentale est nécessaire, sinon on s’emmêle vite les pinceaux avec tous ces signes, l’interprétation devient compliquée et le mal de crâne pointe le bout de son nez. Heureusement pour vous, Augmented Energy pense au bien-être de ses chers lecteurs. Nous allons donc vous faciliter la tâche à travers ce tableau.
C’est bon, le calcul du PRE et le règlement financier lié à l’écart d’un RE n’a plus aucun secret pour vous! Cependant, l’histoire n’est pas terminée. Maintenant que le calcul est compris, il faut étudier les nouvelles dynamiques qui influent sur le PRE. En effet, vous avez certainement remarqué (ou pas) ces derniers mois une forte volatilité du PRE ainsi que des prix extrêmes. Comment cela s'explique-il?
Pourquoi le PRE est devenu extrêmement volatil?
Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène de forte variabilité.
En période de faible demande, le système électrique montre ses limites en termes de flexibilité. Pour rappel :
-
Un système à la hausse : pas assez d’énergie. On doit produire et ne pas consommer. Exemple : activation des centrales thermiques, effacements industriels.
-
Un système à la baisse : trop d’énergie. On doit consommer et ne pas produire. Exemple : arrêt des centrales de production (difficile à mettre en place), les industriels doivent consommer davantage.
On observe une augmentation du solaire, qui, rappelons-le, est une énergie variable. Des conditions météorologiques favorables et des initiatives pour réduire la consommation d'énergie contribuent à maintenir la demande d'électricité à un niveau bas. En conséquence, les prix spot de l'électricité sont bas, et les centrales thermiques ne fonctionnent pas (gaz et charbon) ou tournent à régime réduit (nucléaire) pendant de nombreuses heures de la journée.
Elles ne peuvent donc pas ajuster leur production à la baisse (puisqu'elles ne sont déjà pas en service), ce qui révèle que le système actuel manque de flexibilité à la baisse. La capacité de pompage des STEP est rapidement saturée, et le solaire et l’éolien ne participent pas encore aux réserves.
En période de faible demande, la capacité à réduire rapidement la production ou à augmenter la consommation française est très limitée.
Un autre facteur de cette volatilité est une évolution réglementaire récente : la réouverture à la concurrence de l'aFRR (Automatic Frequency Restoration Reserve). Auparavant, les prix spot étaient utilisés pour rémunérer les activations de l'aFRR. Cependant, depuis l'automne 2023, les énergies activées dans le cadre de l’aFRR sont intégrées et influencent le calcul des prix des écarts via leur prix moyen pondéré.
Source : RTE, prix du 11/05
Exemple du 11 mai 2024
Source : RTE, prix du 11/05
Nous observons que le prix des règlements des écarts positifs a une valeur négative, et là, c’est le drame. Qu’est-ce que cette machination et qu’est-ce que cela signifie un PRE+ négatif ? Pour rappel, un PRE+ s'applique si votre écart est positif, c’est-à-dire que sur votre périmètre, vous avez davantage d’injections que de soutirages. Si le PRE+ est négatif, vous payez pour injecter sur le réseau. Les agrégateurs avec un écart positif le 11 mai 2024 ont dû payer 4182,43 €/MWh pour leurs injections sur le réseau qui n’étaient pas compensées par leurs soutirages. Au contraire, les agrégateurs avec un écart négatif ont été payés 3697,79 €/MWh par RTE. Sur ce même pas horaire, le prix spot était également négatif, mais à un niveau moindre. En effet, il était à -11,64 €/MWh.
Plateforme PICASSO : nouveau facteur dans la dynamique du prix des écarts.
Normalement, RTE devait rejoindre la plateforme PICASSO courant juin ou juillet 2024. Cependant, RTE a décidé de décaler son entrée à l'automne 2024, le temps que le régulateur européen de l’énergie, Acer, résolve les différents problèmes de la plateforme. Cette plateforme a pour objectif de permettre l’échange d’énergie de réglage secondaire (aFRR) entre les différents gestionnaires de réseau de transport européens. Cette plateforme est une initiative de 26 GRT (Gestionnaires de Réseau de Transport) européens. L’Italie, un des membres opérationnels de la plateforme PICASSO, s’est retirée en mars à la suite d’une trop grande volatilité des prix. En effet, le GRT italien (Terna) a multiplié ses primes reçues du régulateur par 16 depuis qu'elle a rejoint PICASSO.
“Depuis sa mise en service en juin 2022, la plateforme PICASSO se caractérise par des épisodes
ponctuels de prix marginaux très élevés. Ce type d’épisode difficilement prévisible pouvant s’avérer particulièrement coûteux pour les responsables d’équilibre des pays connectés à la plateforme”
Délibération CRE, N°2024-44 - 29 février 2024
Comment réduire le risque de volatilité du prix du règlement des écarts?
Comme expliqué précédemment, le manque de flexibilité se fait ressentir surtout lorsque le système est à la baisse. Pour réduire ce risque de volatilité, il faut développer les capacités de flexibilité.
Les capacités de flexibilité font référence avant tout au stockage et à la flexibilité de consommation. Pour cette année, pas de solutions miracle . En effet, les moyens de flexibilité sont encore coûteux. Le développement de ces capacités à moyen terme permettra une meilleure gestion des risques et contribuera à la stabilisation des prix d'activation des réserves. Le système pourra mieux répondre aux variations de la demande et limiter les périodes de volatilité élevée."
Pour plus d'information, contactez-nous à sales@augmented.energy