Quel développement et valorisation pour le stockage batterie en France ?
Au Royaume-Uni, des dizaines de GW de batteries « utility scale » sont en projet. En Allemagne, c’est le stockage résidentiel qui se développe avec 1,2 GW de batteries résidentielles installées l’année dernière.
Cet essor du stockage par batteries est directement imputable à l’explosion de la volatilité sur les marchés de l’électricité. Les batteries « utility-scale », c’est-à-dire directement raccordées au réseau de distribution/transport, sortent désormais de la régulation de fréquence et profitent de l’explosion des différentiels de prix horaires sur les marchés à court terme. Les batteries « behind-the-meter », souvent couplées avec des panneaux solaires, permettent aux particuliers et aux entreprises de diminuer leur facture d’électricité.
En France, les chiffres sont moins impressionnants mais la tendance y est aussi présente. Cet article explore le marché naissant du stockage en France et ses sources de rémunération.
Développement des batteries en France
Sur le segment « utility-scale », selon les données d’Enedis, 364 MW de stockage batterie sont installés en France fin T2 2023. Toujours selon Enedis, 268MW de projets sont actuellement dans la file d’attente de raccordement. Il faut ajouter à cela 136MW de batteries connectées au réseau de RTE.
capture d'écran Enedis Open Data
Sur le segment « behind-the-meter », les données sont un peu moins fiables (les particuliers ne déclarent pas forcément leur batterie et la batterie ne fait pas forcément la même taille que l’installation solaire), mais selon Enedis, 41 MW d’installations solaires sont dotées de batteries. Nous ne nous pencherons pas plus avant sur les revenus de ces batteries car ils sont assez différents de ceux des batteries « utility-scale » et méritent un article séparé.
capture d'écran Enedis Open Data
Revenus des batteries
Les revenus des capacités de batteries « utility-scale » françaises proviennent principalement de la participation à la réserve primaire (FCR en anglais). En participant jour après jour à la régulation de la fréquence du réseau, les batteries sont rémunérées par le gestionnaire de réseau RTE. En 2022, les revenus tirés de cette réserve ont fortement augmenté, tirés par la hausse des prix de l'énergie et la faible disponibilité des capacités de production ; cependant, cette situation est en train de changer.
En effet, la FCR ne fait que 540 MW et son prix est issu d’une enchère au prix marginal. Si vous avez des centaines de MW de batteries qui y participent en envoyant des offres à tout prix, les prix seront inexorablement poussés vers le bas.
La réserve secondaire (aFFR) est pour l’instant fermée à la participation des batteries. Elle devrait être rouverte en 2024, mais les dates sont encore un peu incertaines. Celle-ci pourrait constituer une nouvelle source de revenus pour les batteries, mais sa taille est également limitée, entre 500 MW et 1 180 MW selon les besoins du réseau. Il n’y a donc pas de quoi supporter un essor massif du stockage par batteries.
Il est donc nécessaire pour les capacités de batteries françaises de suivre l’exemple de leurs homologues européennes et de se tourner vers les marchés de l’énergie plus « profonds ». À noter qu’en France, aux revenus des réserves et de l’arbitrage s’ajoutent les revenus issus du marché de capacité.
A noter qu’en France aux revenus des réserves/arbitrage s’ajoutent les revenus issus du marché de capacité.
Évolution des stratégies de valorisation
Le début de l’année 2023 illustre bien le phénomène décrit au paragraphe précédent. Si l’on considère une batterie de 1 MW/2 MWh valorisable, qui effectue un arbitrage de marché très rudimentaire (charge la nuit et décharge le jour) et participe ensuite à la réserve rapide (RR - volume de 1 GW), celle-ci obtient un niveau de revenu plus élevé qu’une batterie qui participe uniquement à la FCR. Et logiquement, le nombre de jours où il est intéressant de participer aux marchés de l’énergie plutôt qu’à la FCR est majoritaire au début de 2023. Ce n’était pas du tout le cas en 2022, où les revenus de la FCR faisaient paraître l’arbitrage bien pâle.
Estimation revenus annuels d'une batterie 1MW/1MWh
Cette tendance est d’autant plus importante que notre simulation des revenus de l’arbitrage est grossière et sous-estime le revenu généré. Les revenus issus du marché spot ne sont pas optimisés (la batterie charge et décharge de manière déterministe). Nous n’intégrons pas non plus les revenus potentiellement issus de l’optimisation « cross-market » entre l’intraday, le mécanisme d’ajustement et les prix des écarts.
Prenons un exemple concret pour illustrer l’arbitrage « cross-market », car c’est une notion un peu complexe. L’idée est de valoriser l’optionnalité intrinsèque de la batterie. Une batterie qui fait un arbitrage temporel sur le marché spot en J-1 achète 1 MWh à l’heure 3 à 50 euros/MWh et le vend à l’heure 20 à 150 euros/MWh. Elle fait un profit théorique de 100 euros/MWh. Sur le marché intraday, les prix bougent : l’heure 3 est à 100 euros/MWh et l’heure 20 à 125 euros/MWh. L’opérateur de la batterie peut donc annuler sa position précédente et empocher un profit de 75 euros/MWh, sans faire tourner sa batterie. C’est déjà bien, mais il se rend compte plus tard qu’en achetant l’heure 5 et en vendant l’heure 9, il peut de nouveau gagner un différentiel de 100 euros/MWh. Il va donc encore une fois acheter et vendre sur le marché. Il pourra faire cela tout au long de la session de marché intraday, mais aussi sur le mécanisme d’ajustement (s’il participe à la RR, il sera d’ailleurs obligé d’y déposer des offres) et enfin aux prix des écarts (sur la base d’une prévision de ces prix).
Afin d’obtenir un revenu optimal, une batterie dans un marché mature va pratiquer le « revenue-stacking » : elle va empiler de manière optimale différentes sources de rémunération. La batterie ne va pas participer à la FCR à tout prix comme actuellement ; son opérateur fera une estimation de ses revenus sur le marché de l’électricité, puis il intégrera ce niveau de revenu dans ses offres. Si l’enchère de la FCR (qui a lieu en J-2) sort à un prix qui lui permet d’obtenir un revenu supérieur à son revenu prévisionnel sur les marchés de l’électricité (obtenus en J-1/J), il participera à la FCR ; sinon, il participera aux marchés de l’électricité et se lancera dans la logique décrite au paragraphe précédent.
À noter, pour compliquer l’équation, qu’il faut aussi prendre en compte l’usure de la batterie dans ce calcul d’optimisation économique. La participation à la FCR requiert généralement des cycles de charge/décharge de faible amplitude. Par contre, l’arbitrage nécessite des cycles profonds et plus fréquents pour bénéficier d’un revenu maximal, ce qui réduit sa durée de vie. Le choix de la FCR, même s'il est moins rémunérateur, « conserve » mieux l’actif, avantage qui doit être pris en compte mais est limité par la hausse des taux d’intérêt (1 euro de revenu perdu maintenant coûte plus cher qu’1 euro gagné plus tard).
L’opérateur doit donc prendre un ensemble de décisions complexes, certaines proches du temps réel, et utiliser des algorithmes d’optimisation, de prévision et d’exécution très avancés.
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